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« Bengaluru a été un véritable coup de chance »

Tecindustry Thèmes Globalisation et collaboration « Bengaluru a été un véritable coup de chance »

La grande interview sur l’Inde

Bühler India vient de fêter son 30e anniversaire. Nous vous proposons une interview avec les deux figures marquantes sur place consacrée aux débuts sans téléphone, au nouvel accord de libre-échange, à l’avenir de Bühler en Inde – sans oublier leurs anecdotes préférées.

Dipak Mane, quel a été le plus grand succès de Bühler India jusqu’à présent ?

Dipak Mane (DM) : Lorsque nous avons commencé à travailler avec Bühler sur place en 1993, l’Inde exportait environ 0,6 million de tonnes métriques de riz. Aujourd’hui, ce sont plus de 20 tonnes ! Bien entendu, nous ne sommes pas les seuls à avoir contribué à cette évolution, mais notre rôle dans la transformation du riz en Inde est très central.

Prashant Gokhale, comment Bühler India contribue-t-il à relever les défis auxquels nous devons faire face aujourd’hui dans le monde entier ?

Prashant Gokhale (PG) : Le plus grand levier pour un changement réside certainement au niveau des énormes pertes dans la chaîne de création de valeur des céréales : environ 30% de la récolte n’arrivent pas jusqu’à la table des consommateurs. Nous nous efforçons de trouver des solutions à cela. Nous sommes également très engagés dans les questions énergétiques : que ce soit au niveau de la consommation de nos usines ou de la mobilité électrique, qui commence à se profiler en Inde. Et nous aidons aussi nos clients à réduire leur empreinte carbone. Nous jouons en outre un rôle très important dans la production de protéines végétales qui peuvent remplacer les produits animaux.

Si nous demandions à votre clientèle en Inde, dirait-elle que Bühler est une entreprise indienne ?

DM : Bien possible ! Bühler India est très fortement ancrée localement. Nous sommes ici pour produire pour le marché indien et mondial, et aujourd’hui 75% de nos produits sont vendus localement. Notre qualité est d’être très proches de nos clients et de répondre à leurs besoins. Mais la Swiss Quality est toujours présente : on peut nous faire confiance et nous sommes fiables – c’est ce qui distingue, entre autres, notre marque.

Comment décririez-vous la culture de Bühler en Inde ?

DM : En Inde et partout dans le monde : le client est au centre. Au cours de mes 30 ans chez Bühler, nous n’avons jamais abandonné un client. Et : je n’ai jamais eu l’impression d’être discriminé en raison de mon origine, de la couleur de ma peau ou de mon accent. Cela s’explique peut-être aussi par le fait que Bühler a eu dès le début une orientation mondiale.

PG: Le fait que nous soyons aussi une entreprise d’apprentissage fait également partie de notre culture.

Nous sommes curieux d’en savoir plus !

PG : Suivant l’exemple du groupe Bühler, Bühler India a introduit en 2009 un programme de formation de personnel qualifié. La Bühler Academy à Bengaluru encourage les jeunes talents en leur offrant une formation professionnelle de premier ordre. Jusqu’à présent, environ 200 apprentis ont terminé la formation à l’académie et environ 80 sont en cours de formation. Tous les programmes de formation sont une combinaison de théorie et de pratique. Les apprentis ont à leur disposition cinq programmes de base différents, ainsi qu’un apprentissage au standard suisse et bénéficient d’un programme d’échange.

DM : L’apprentissage à la Bühler implique aussi de changer régulièrement de fonction. Prenez mon exemple : en général, les Indiens occupent des fonctions de directeurs financiers ou directeurs techniques dans des entreprises internationales. Mais en 2015, on m’a confié le département des ressources humaines. À moi ! Un ingénieur hardcore ! Originaire d’Inde !

En 2023, Bühler a fêté ses 30 ans en Inde. Des employés posent devant un mur d’honneur.

Environ 800 personnes travaillent aujourd’hui pour Bühler en Inde.

Prashant Gokhale dirige Bühler Inde. Il a rejoint l’entreprise en 1998, un ancien chef lui avait vanté les mérites de Bühler.

Les enfants des employés font aussi partie de la famille Bühler : désignation des gagnants d’un concours de dessin.

La culture Bühler est unique déclarent Dipak Mane et Prashant Gokhale dans une interview.

La course Bühler des 5 000 kilomètres en fait partie avec un gagnant rayonnant.

La course a eu lieu en Inde à l’occasion du 30e anniversaire de Bühler (2023).

Cette course avait pour but d’améliorer la santé et le bien-être des employés.

Voyageons dans le temps : Dipak Mane, vous étiez là dès le début, lorsque Bühler a ouvert sa première filiale en Inde.C’était il y a trente ans.Quelle est votre anecdote préférée ?

Dipak Mane : En 2000, Calvin Grieder a pris ses fonctions de CEO de Bühler [aujourd’hui, il est président du conseil d’administration du groupe Bühler, ndlr]. L’un de ses premiers voyages à l’étranger l’a conduit chez nous, à Bengaluru, en Inde. Un client venait de mettre en service une nouvelle installation, un énorme et magnifique moulin à riz. Calvin et moi lui avons rendu visite. Il m’a alors demandé : « Dipak, combien de ces moulins pouvons-nous fabriquer par an ? J’ai répondu : « Un seul ! » Il a failli tomber à la renverse. De retour au bureau, nous avons commencé à réfléchir à la manière dont nous pourrions développer des moulins plus compacts. Sur cette base, Calvin a ensuite formulé une nouvelle stratégie dans laquelle les PME jouaient un rôle important. Cela n’a pas été bien accueilli partout, mais s’il ne l’avait pas fait, je suis sûr que Bühler - donc toute l’entreprise - serait aujourd’hui en grande difficulté, car nous aurions perdu beaucoup de chiffre d’affaires et la possibilité de développer de nouveaux produits. La concurrence nous aurait évincés du marché. Au lieu de cela, nous avons triplé depuis notre chiffre d’affaires !

Le groupe Bühler a été l’une des premières entreprises internationales à ouvrir une succursale en Inde - comment en est-on arrivé là ?

DM : Bühler a été fondé en 1860 et était dès le départ une entreprise mondiale. Après l’indépendance de l’Inde en 1947, les premiers contacts avec le sous-continent ont eu lieu, mais les entreprises étrangères n’ont été autorisées à créer des sociétés avec une participation majoritaire en Inde qu’à partir de 1991. Et ce, à condition qu’elles étaient actives dans l’un des cinq secteurs d’importance stratégique pour le pays - dont la transformation des aliments, domaine dans lequel Bühler est encore aujourd’hui leader. Au début, il fallait conclure une joint-venture (JV) avec une entreprise locale, mais plus tard, Bühler a été autorisée à reprendre le partenaire indien.

Vous étiez présent en 1993 lors du premier coup de pioche à Bengaluru (autrefois Bangalore).Aujourd’hui, cette ville de 14 millions d’habitants du sud de l’Inde est un centre informatique mondial.Mais à l’époque, il n’y avait que 13 entreprises exportatrices dans la région - un choix peu évident pour un site d’entreprise international.

DM : (rires) Oui ! Nous avons choisi Bengaluru parce que notre partenaire JV s’y trouvait. De plus, nous avons bénéficié d’avantages fiscaux et le climat n’est pas aussi étouffant que dans d’autre régions du sud de l’Inde. Bengaluru a été un coup de chance absolu – aujourd’hui, c’est précisément la région où les prix au mètre carré sont les plus élevés en Inde.

À quoi ont ressemblé les premières années de Bühler India ?

DM : Lorsque nous avons commencé, nous n’avions pas de lignes de communication fixes. Ce n’est que des années plus tard, lorsque la téléphonie mobile est arrivée, qu’il nous a été possible de téléphoner - mais le réseau ne fonctionnait souvent que sur le toit. Et la route en gravier qui menait chez nous était inutilisable après chaque chute de pluie.

Comment êtes-vous arrivés chez Bühler ?Dans l’Inde des années 1990, l’entreprise suisse était inconnue.

DM : Je vivais à Mumbai. C’est alors que je suis tombé sur une annonce de Bühler dans le « Times of India ». J’ai posé ma candidature et j’ai obtenu le poste. Ma femme et moi nous sommes rendus à Bengaluru, mais il n’y avait qu’un pré vert. Malgré tout, je sentais que c’était le bon coup.

PG : J’ai rejoint Bühler cinq ans après Dipak. Mon ancien patron était un ancien collaborateur de Bühler et me vantait sans cesse les mérites de cette entreprise suisse. Quand j’ai vu une annonce, je me suis dit : maintenant, je veux savoir s’ils sont vraiment si bons que ça.

Bühler a débuté en Inde en 1993 - sans réception téléphonique ni route d'accès goudronnée.

Le siège de Bühler se trouve à Bangalore. Autrefois une région pauvre, les prix au mètre carré y sont aujourd’hui parmi les plus élevés d’Inde.

Ce n’est qu’à partir de 1991 que les entreprises étrangères ont été autorisées (avec des réserves) à fonder des entreprises en Inde. Ici, un politicien de haut rang salue le groupe Bühler lors du lancement de Bühler Inde.

Les premiers employés posent devant le siège avec un visiteur de Suisse (devant à gauche).

Photos des débuts. La carte du monde derrière la réceptionniste montre : chez Bühler, on a toujours pensé globalement.

Le siège principal de Bühler Inde a été construit sur un terrain vierge. « Bengaluru a été un coup de chance absolu », comme le dit Dipak Mane dans l’interview.

En 2017, Bühler Inde a fêté son 25e anniversaire. Depuis ses débuts, le siège s’est considérablement développé.

Quels ont été les plus grands obstacles rencontrés par Bühler India au cours des 30 dernières années ?

DM : Les clients veulent ce qu’ils connaissent. L’art consiste à présenter quelque chose de nouveau qui leur est bénéfique. Ensuite, il y a la forte concurrence locale. S’ajoutent à cela les nombreuses lois en Inde et les taxes d’importation prohibitives qui - à nos débuts - pouvaient atteindre 100%.

Le 10 mars, l’Inde et les pays de l’AELE - la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein - ont signé un accord de libre-échange.Que pensez-vous de cet accord ?

PG : Tout d’abord, c’est l’un des accords de libre-échange les plus modernes du monde, il ne comprend pas seulement les droits de douane et le commerce, mais aussi des sections sur les conditions de travail. Pour Bühler India, l’accord de libre-échange est une bénédiction : nous importons des pièces depuis la Suisse, sur lesquelles nous payons des taxes d’importation élevées – ces taxes seront supprimées. Une partie de l’accord de libre-échange est en outre une promesse des pays de l’AELE d’investir 100 milliards de dollars directement en Inde. Le nombre d’entreprises suisses présentes en Inde va donc fortement augmenter.

DM : Les pays vont se rapprocher sur le plan émotionnel et intensifier les échanges ; que ce soit entre les universités, les hubs de start-up ou les programmes de formation.

PG : La Suisse connaît une grande pénurie de main d’œuvre qualifiée. Nous pouvons y apporter notre soutien : autrefois, on produisait des T-shirts en Inde ; aujourd’hui, des entreprises réalisent des projets informatiques complexes à Bengaluru. De son côté, l’Inde a beaucoup à apprendre de la Suisse, notamment en matière de formation.

Vous étiez tous deux très impliqués dans l’accord de libre-échange - comment cela s’est-il passé ?

DM : Lorsque le conseiller fédéral Schneider-Ammann s’est rendu pour la première fois en Inde il y a 16 ans, j’étais présent en tant que président pour l’Inde du Sud de la Chambre de commerce Suisse-Inde. Nous avons rencontré quelques ministres indiens, mais il était clair que le moment n’était pas encore venu de conclure un accord de libre-échange.

PG : Il y a quelques années, j’ai repris la fonction de Dipak à la chambre de commerce, j’étais donc présent lors de la signature de l’accord. Ce qui était très perceptible : les deux pays sont proches. Depuis la visite du conseiller fédéral Schneider-Ammann à l’époque, des relations profondes et durables se sont développées.

 

Nous prévoyons des investissements d’environ 21 millions de francs suisses au cours des deux ou trois prochaines années. Cela nous ouvrira de nouvelles opportunités commerciales et nous permettra de créer de nouveaux emplois, tout en proposant des solutions aux défis mondiaux, notamment au niveau de la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

Prashant Gokhale, Managing Director chez Bühler India

Jetons un regard sur les 30 prochaines années de Bühler India.Quels sont vos objectifs ?

PG : La population indienne continue de croître, avec une croissance disproportionnée de la classe moyenne et donc du pouvoir d’achat. Parallèlement, nous assistons à un énorme boom des infrastructures. Tout cela va continuer à stimuler notre activité céréalière. Mais Bühler India sera aussi de plus en plus impliquée dans la mobilité électrique. Actuellement, 250 bus à batterie sont en service à Bengaluru, d’autres suivront, tout comme les taxis et le transport privé.

DM : D’un autre côté, nous produisons de manière de plus en plus efficace en Inde et de nombreuses entreprises dans le monde veulent réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine. Nous voyons une opportunité d’augmenter la part des exportations de Bühler India de 25% aujourd’hui à 50%. Globalement, nous voulons tripler nos activités au cours des cinq prochaines années. Et : les plans d’expansion de Bühler India comprennent également l’investissement dans de nouveaux collaborateurs sur place. Il est prévu d’embaucher environ 300 personnes au cours des deux ou trois prochaines années.

 

Bühler India

Le groupe technologique suisse fête ses 30 ans d’activité en Inde et annonce à cette occasion l’extension de ses capacités de production et de construction dans ce pays. Son objectif est de croître en Inde et en dehors de l’Inde. Bühler India construit des machines de haut de gamme pour la transformation des céréales et des produits alimentaires, principalement pour des clients en Inde et en Afrique. Les activités de Bühler India ont augmenté de plus de 50% au cours des trois dernières années. Aujourd’hui, Bühler occupe environ 800 personnes en Inde.

 

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Dernière mise à jour: 17.04.2024