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Stratégie numérique : Top-Down ou Bottom-Up ?

Top-Down ou Bottom-Up – comment numérise-t-on maintenant le mieux ? Devrait-on d’abord développer la stratégie ou s’attaquer à des cas d’application isolés ?

Patricia Deflorin : C’est une discussion qui a lieu déjà depuis des années. Il n’y a pas de réponse sans ambiguïté à ce sujet. Je vois certaines difficultés à formuler une stratégie Top-Down sur plusieurs années. Cela a à voir avec les changements rapides et non prévisibles dans le domaine numérique. « Strategy by Design » est à mon point de vue une approche adéquate. On part ici avec différents projets numériques et l’on parvient relativement vite à rendre saisissables visuellement des idées avec des prototypes, à les examiner et à en déduire des enseignements importants relatifs à l’idée et à la direction stratégique. Il devient par-là possible d’avancer à la vitesse du marché. Mais il ne s’agit pas d’une pure procédure Bottom-Up.

Pourquoi ?

Des lignes directrices en font partie, de même que se représenter où l’entreprise doit se développer dans la numérisation. Mais c’est justement difficile à définir au début du processus et cela se concrétise souvent dans le courant des travaux seulement. On devrait donc fixer les conditions-cadres de façon à laisser une marge de manœuvre.

Dans les entreprises industrielles, il y a souvent une structure de l’organisation hiérarchique et des domaines d’affaires clairs. Cela peut conduire à des silos organisationnels rendant difficiles des collaborations interdisciplinaires.

Patricia Deflorin est professeure de gestion de l’innovation à la Haute école spécialisée des Grisons

Comment cela peut-il réussir ?

Cela peut se passer avec des rencontres stratégiques dites de portefeuille de projets, dans lesquelles la direction, des spécialistes et des chefs de projets procèdent régulièrement à des échanges et prennent en commun des décisions. Les différents projets doivent être harmonisés et les questions technologiques clarifiées dans l’intérêt général de l’entreprise. Le but est de maintenir l’élan des différents projets et en même temps de se créer une vision d’ensemble afin que des contradictions puissent être décelées à temps et des pertes par friction évitées.

Pour une numérisation couronnée de succès, faut-il donc aussi réorganiser la collaboration ?

Pour extraire par exemple des connaissances pertinentes à partir de données, il faut le savoir de différents domaines de l’entreprise. Selon l’expérience, cela exige une collaboration intense et conduit souvent à de nouvelles formes d’organisation. Pour les collaborateurs, cela signifie un passage de fonctions à des rôles spécifiques au projet. De telles approches de collaboration souple sont très importantes pour pouvoir tenir le rythme des changements. Mais comme on continue d’être en même temps lié pour les affaires opératives à la structure de l’organisation traditionnelle, cette procédure a ses défis.

Pourriez-vous être ici plus précise ?

Avec la psychologie du travail de la FHNW, nous examinons actuellement où le développement de nouvelles offres de service numériques peut échouer. Nous avons constaté que l’organisation joue un rôle important. Les prestations de service basées sur des données ne sont pas la seule affaire de l’après-vente, comme cela est vu souvent. Il s’agit bien davantage d’une tâche pour laquelle des spécialistes des données, des collaborateurs de la division R&D, de l’achat et des services doivent être réunis dans une équipe de projet. Au plus tard lors de la mise à l’échelle de la prestation basée sur des données, le moment est venu où il faut une approche souple pour la collaboration, parce que la structure de l’organisation hiérarchique peut provoquer un échec de la mise en pratique.

Dans les entreprises industrielles, il y a souvent une structure de l’organisation hiérarchique et des domaines d’affaires clairs. Cela peut conduire à des silos organisationnels rendant difficiles des collaborations interdisciplinaires. Les collaborateurs sont habitués à recevoir les prescriptions Top-down et ensuite à orienter les activités à partir de là. Il faut donc une disponibilité élevée aux changements à tous les niveaux pour introduire de telles nouvelles approches. Nous constatons d’ailleurs que le manque de ressources est souvent le plus grand problème. On est souvent tellement impliqué dans les affaires opérationnelles que la mise en pratique de l’innovation n’est pas poursuivie une fois que l’équipe de recherche de la HES Grisons quitte l’entreprise. Les règles de la collaboration souple développées dans le projet de recherche actuel soutiennent les entreprises pour mettre durablement en pratique la nouvelle offre.

En premier lieu ne figure pas le choix de la technologie, mais la question de savoir quelle utilité vous voulez engendrer. On peut ensuite se demander dans une deuxième étape quelles données ou technologies il faut pour cela.

Patricia Deflorin est professeure de gestion de l’innovation à la Haute école spécialisée des Grisons

Y a-t-il des points essentiels selon lesquels les entreprises peuvent s’orienter pour leurs projets de numérisation ?

Adoptez une approche centrée sur l’humain ! En premier lieu ne figure pas le choix de la technologie, mais la question de savoir quelle utilité vous voulez engendrer.  On peut ensuite se demander dans une deuxième étape quelles données ou technologies il faut pour cela. Il n’est pas rare que soit formulé à partir d’une perspective interne ce qu’on aimerait atteindre. On risque alors de ne pas tenir compte suffisamment des besoins du marché. C’est pourquoi nous recommandons d’aller relativement rapidement avec une idée et le savoir des données vers le client et de l’impliquer dans l’élaboration d’une solution. C’est un aspect central en regard notamment aussi de l’efficacité économique.

Souvent, les entreprises industrielles ne vont pas vers l’extérieur avec des prototypes ou des produits non terminés. Mais c’est précisément cette procédure qui aide à trouver sans de trop grands investissements ce qui fonctionne et ce qui doit encore être retravaillé.

Quel rôle peut offrir un soutien externe ?

Quand il s’agit de clarifier la faisabilité, une expertise externe peut être d’une grande utilité. La HES Grisons est impliquée dans le Databooster, offert dans le cadre du programme Innosuisse NTN Innovation Booster. Il s’agit en l’occurrence d’un réseau entre science et économie avec le but de promouvoir l’innovation de projets basés sur des données. Elles peuvent venir vers nous avec une première idée et nous avons la possibilité de réunir les spécialistes appropriés pour clarifier la faisabilité et le contenu innovatif. Ce processus est accompagné par un « Design Thinking Moderator » et financé par Innosuisse.

Databooster

Databooster encourage l’innovation dans les prestations basées sur des données, réunit de nouvelles méthodes et technologies dans la science des données avec de nouveaux concepts de l’industrie et des prestations. C’est un des nombreux NTN Innovation Boosters financés par Innosuisse. Les entreprises peuvent examiner et affiner leurs idées d’innovation dans des ateliers avec des experts. Des moyens d’encouragement sont aussi à disposition. Autres informations sur  https://databooster.ch/

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Dernière mise à jour: 26.10.2022