Basé en France, Schneider Electric est un groupe mondial qui vise à permettre à chacun de tirer le meilleur de son énergie et de ses ressources. Présent dans plus de 100 pays, ce groupe qui s’appuie sur un écosystème de 150 000 collaborateurs et plus d’un million de partenaires, a réalisé un chiffre d’affaires de 38 milliards d’euros en 2024. En Suisse, Schneider Electric est présent à travers deux entreprises, cinq sites et 725 employés. Rencontre avec Tanja Vainio, « Country President » de Schneider Electric en Suisse depuis 2022.
Quels sont les principaux défis et opportunités de Schneider Electric en Suisse ?
Je vois avant tout des opportunités, grâce à deux tendances lourdes. La première tendance est la transition énergétique, caractérisée par une croissance exponentielle de la demande en électricité. Cela est dû par exemple au développement des véhicules électriques, des pompes à chaleur domestiques ou encore à la transformation des processus industriels. La deuxième tendance est le développement des énergies renouvelables, souvent produites et stockées localement (par exemple dans une maison), qu’elles soient connectées ou non au réseau.
Enfin, la digitalisation permet de concrétiser et de flexibiliser ces deux tendances. Elle génère ainsi des gains majeurs en efficacité et productivité. En digitalisant chaque maillon de la chaîne de valeur, on peut mesurer, analyser et prendre les bonnes décisions.
Quelle est la vitesse de ces développements ?
Très rapide. Par exemple, entre 2018 et 2050, la demande en électricité devrait être multipliée par trois. Par ailleurs, à l’instar de l’adoption fulgurante de ChatGPT, le nombre d’objets connectés dans les maisons, bâtiments et usines croît de manière exponentielle. Par exemple, selon nos prévisions, le nombre de capteurs et de sources de données devrait être multiplié par six au cours de cette décennie.
Pour concrétiser ces opportunités, comment attirez-vous et retenez-vous des talents également sollicités par d’autres employeurs ?
Vous touchez là à un aspect clé et à l’une de nos principales priorités. Je pense qu’il faut agir sur deux axes : l’attractivité (« excitemen ») de l’entreprise et la mobilisation (« engagement ») des employés.
Pour attirer des collaborateurs qualifiés, nous devons être attractifs, et le but de notre entreprise est un facteur essentiel. Notre mission est d’être le partenaire de confiance du développement durable et de l'efficacité de nos clients (« trusted partner for sustainability and efficiency »). Concrètement, notre objectif est d’avoir un impact positif sur la société en général, de mieux utiliser les ressources énergétiques de notre planète et de proposer des solutions durables. Chez Schneider Electric, nous résumons cela par notre slogan : "La vie est en marche » (« Life is On" »).
Qu’en est-il de la mobilisation des employés ?
Nous offrons des opportunités de carrière et de développement, notamment via notre marché ouvert des talents (« open talent market »), une application qui permet à chaque collaborateur, partout dans le monde, de postuler à de nouveaux projets. Nous mettons également l’accent sur la formation continue, la gestion des talents, ainsi que sur la diversité et l’inclusion, qui sont des moteurs d’innovation. À l’échelle mondiale, la parité des genres dans notre conseil d’administration et notre direction générale va de soi.
Nous proposons aussi une politique de congé familiale (« family leave policy ») généreuse, incluant par exemple le congé de paternité. Enfin, nous entretenons des liens étroits avec les écoles polytechniques fédérales : notre présence sur les campus nous permet un accès privilégié aux étudiants talentueux. Récemment, nous avons soutenu un groupe d’étudiants de l’EPFZ participant à une compétition mondiale de percement de tunnels.
Êtes-vous favorable au télétravail ?
Oui. Même avant la pandémie, nous étions très flexibles sur ce point — et nous le sommes toujours. Bien sûr, cette flexibilité dépend beaucoup du rôle de chaque employé : par exemple, le travail à distance est difficile pour les collègues qui travaillent dans nos usines.
Dans quelle mesure êtes-vous affectés par les relations entre la Suisse et l’étranger, principalement l’Union Européenne et les États-Unis ?
En tant que filiale suisse d’un groupe mondial, nous sommes entièrement concentrés sur le marché suisse et n’exportons pas de produits physiques depuis la Suisse. Cela dit, nos clients sont en concurrence sur les marchés locaux et mondiaux, ce qui a un effet indirect sur notre activité. Nous sommes également affectés par les réglementations relatives à l'importation d'équipements et de matières premières à des fins de production en Suisse, ainsi que par le marché du travail, car nous employons une grande proportion de salariés internationaux.
Votre portefeuille de produits est très large : quelle est la logique stratégique qui le sous-tend ?
Schneider Electric compte quatre unités d’affaires : a) services aux « prosumers » (consommateurs et producteurs d’énergie) ; b) logiciel via nos filiales AVEVA, ETAP, RIB, etc.; c) gestion de l’énergie ; d) automation industrielle. De cette manière, nous couvrons ainsi toute la chaîne de valeur, des surfaces de production jusqu’au sommet des entreprises (« from the shop floor to the top floor »), dans les habitations, les bâtiments, les industries, les infrastructures et les centres de données.
Il y a dix ans, nous avons lancé notre plateforme EcoStruxure, c’est-à-dire une architecture numérique qui connecte des appareils intelligents, collecte et analyse des données, et permet à nos clients d’optimiser leurs performances ainsi que leur efficacité énergétique, pour des opérations plus durables.
Quelles sont les récentes tendances en relation avec votre portefeuille de produits?
Nous observons une digitalisation croissante au niveau des produits, des équipements périphériques (« edge ») ainsi que des logiciels et de l’analyse de données. Nous utilisons notre plateforme EcoStruxure pour assurer cette connectivité holistique à tous les niveaux. L’internet des Objets (« IoT ») constitue l’épine dorsale technologique fondamentale sur laquelle reposent et sont déployées les solutions de Schneider Electric. Nos logiciels sont également indépendants du matériel (« hardware agnostic » ) et il est de plus en plus courant d’ajouter une couche logicielle à un matériel existant pour le rendre connectable.
Dans quels domaines votre filiale suisse est-elle particulièrement forte ?
Nous sommes particulièrement forts dans les secteurs du bâtiment résidentiel et commercial, notamment dans la distribution d’énergie, les maisons intelligentes, l’automatisation industrielle et les centres de données. De plus, notre filiale suisse, Feller AG, fait office de centre de compétence européen pour les appareillages électriques et l’automatisation des bâtiments.
En tant qu’entreprise B2B, l’image de marque est-elle importante ?
Absolument. Nous sommes fiers de disposer de deux marques fortes en Suisse : Schneider Electric et Feller (by Schneider Electric). Nous continuerons à investir dans ces marques, qui renforcent également notre attractivité auprès des talents.
Schneider Electric a été désignée « Entreprise la plus durable au monde 2025 » par Corporate Knights. Comment expliquez-vous cela ?
Nous sommes fiers d’avoir reçu cette distinction pour la deuxième fois en cinq ans. Notre mission est d’aider nos clients à améliorer leur efficacité énergétique et leur électrification. Et sur ce point, nous souhaitons montrer l’exemple. La durabilité est donc au cœur de notre raison d’être — ce n’est pas une activité secondaire. Nous avons lancé notre première « feuille de route de durabilité » il y a vingt ans. Plus largement, nous sommes convaincus qu’il est tout à fait possible de réduire sa consommation d’énergie et ses émissions de CO₂ tout en augmentant son chiffre d’affaires et sa rentabilité.
Que pensez-vous du système de formation en Suisse ?
C’est un atout clé qu’il faut absolument préserver. Je pense aux écoles polytechniques fédérales, reconnues pour leur capacité d’innovation, mais aussi aux Hautes écoles spécialisées (« Fachhochschule ») et au système d’apprentissage. Schneider Electric forme d’ailleurs de nombreux apprentis. Un autre point fort de l’enseignement en Suisse est le multilinguisme, c’est-à-dire les trois principales langues nationales ainsi que l’anglais.
La Suisse n’a pas de politique industrielle comparable à celle de pays comme la France ou le Japon. Est-ce positif ou négatif ?
Regardons la situation dans sa globalité ! En général, nous sommes satisfaits de l’environnement économique et entrepreneurial en Suisse. Cela dit, l’Europe, y compris la Suisse, devrait investir davantage dans la technologie et l’innovation pour maintenir sa compétitivité. Ces efforts doivent être partagés entre les pouvoirs publics, le secteur privé et le monde académique.
Schneider Electric compte parmi la centaine de « partenaires stratégiques » du World Economic Forum (WEF). Qu’en retirez-vous ?
Nous estimons que les activités du WEF, notamment les meetings annuels à Davos, sont essentielles pour réunir les grands leaders du monde politique et économique. Cela est fondamental pour relever les défis globaux, et Schneider Electric souhaite y contribuer activement.
Et pour finir, cinq questions courtes :
À quoi pensez-vous en vous réveillant ? Tout simplement, au début de la nouvelle journée.
Votre plus grande joie en tant que dirigeante ? Le travail avec des collègues formidables.
Votre plus grande frustration en tant que dirigeante ? Les frustrations sont des opportunités pour grandir.
Quel faites-vous pour vous détendre ? Je passe du temps avec ma famille, de préférence dans la nature et sans appareil connecté.
Quel message souhaitez-vous communiquer à de jeunes talents ? Foncez ! (“Go for it!”)
Tanja Vainio en bref
Depuis mars 2022 : Schneider Electric, Country President Switzerland
Depuis mars 2021 : Franke Group, Administratrice
1998–2022 : ABB, divers postes dont Managing Director, Business Line Automotive Tier 1, Robotics & Automation (Zurich, 2020–2022)
Études
- MIT Sloan School of Management, MBA, 2002–2004
- Massachusetts Institute of Technology, M.S. in Supply Chain Management, 2002–2004
- Tampere University of Technology et RWTH Aachen University, Master en génie mécanique, 1993–1998
À propos de Schneider Electric Suisse
- Une marque, deux entreprises : Schneider Electric et Feller AG
- 5 sites : Horgen, Gümligen, Baden, Crissier, Circle Airport Zurich
- 1 site de production : Horgen
- 725 employés (Schneider Electric et Feller) dont 35 apprentis.